Les Bébés Médicaments
Aujourd’hui il est possible de concevoir un bébé afin de sauver un frère ou une sœur ainée. Ce bébé est appelé « bébé médicament » ou « bébé du double espoir ». Il possède des caractéristiques génétique capables de sauver son frère ou sa sœur, par un « don » de sang du cordon ombilicale ou de moelle osseuse prélevés à la naissance puis conservés en les congelant temporairement (cryopréservation).
Concevoir un « bébé médicament » est un long processus. On commence par une fécondation in vitro ou FIV qui consiste à faire développer des embryons en culture. Pour cela, on prélève des ovules chez la mère qui seront ensuite mis en contact avec les spermatozoïdes de l’homme, en laboratoire. En moyenne, une dizaine d’embryons seront cultivés. Ensuite vient une phase d’observation et de sélection appelée « diagnostics génétiques préimplantatoires » (DGP). Les généticiens vont sélectionner les embryons « sains » c'est-à-dire ceux qui ne portent pas de maladies ou de handicapes et les embryons « compatibles », c'est-à-dire ceux qui auraient un système immunitaire compatible ou HLA (Human Leukocyten Antigenen), capable des soigner l’ainé atteint de maladie grave. Pour cela a été mis au point un test qui permet de détecter les futurs bébés atteints de certaines maladies génétiques perturbant la formation des cellules du sang ou attaquant le système immunitaire. Dans un deuxième temps, on va réimplanter les embryons dans l’utérus de la mère. Le taux de réussite d’une fécondation in vitro est de 30%, ce qui veut dire que sur une dizaine d’embryons cultivés, il faudra environs trois tentatives. Cela peut être très long pour un résultat assez aléatoire. Le sort des autres embryons est décidé par la famille, qui peut : soit décider de les détruire, soit décider de les faire congeler pour une utilisation future ou alors des les « offrir » à la science pour des recherches scientifiques.
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Ce processus, d’un point de vu scientifique, est un nouvel espoir pour les familles dont leur l’enfant est atteint d’une maladie grave. Il soulève néanmoins un grand nombre de questions éthiques qui sont définies et encadrées par des décrets et des lois. Avec cette pratique, le bébé à naitre est il considéré en tant qu’être humain par sa famille ? ou bien en tant que « médicament » ? Dans ce cas on associerait donc un être humain à un simple objet. Comment ses frères et sœurs vont-ils le considérer ? Comme un « enfant médicament » c'est-à-dire un bébé « fabriqué » et non le fruit de l’amour de leurs parents ? Quel sera dette de l’ainé sauvé envers son « frère médicament » ? Et si les deux frères ou sœurs s’avèrent ne pas être compatibles suite à une erreur des médecins, comment l’enfant sera-t-il perçu dans ca famille ? Certainement comme un enfant incapable de sauver son frère. Devra-t-il porter la responsabilité de la mort ou du handicape de son frère ?
Certaines personnes vont penser que l'on ne détruit pas un humain mais juste un amas de cellules. Mais nous, en tant qu'êtres humains, certes plus développés, nous sommes nous aussi un amas de cellules. L’enfant est créé pour bénéficier à un tiers avant tout. Cette technique de procréation est une discrimination positive à partir du moment ou l’on sélectionne l’embryon pour ces caractéristiques génétiques. La Convention d’Oviedo et la Déclaration universelle sur le Génome humain de l’UNESCO rappellent que nul ne doit faire l’objet de discriminations fondées sur ses caractéristiques génétiques étant donné que la fabrication de « l’enfant médicament » dépend de son génotype. La fabrication de « l’enfant médicament » est un délit.
C’est en 1994 que la France se dote d’une loi de bioéthique pour la première fois. Le 6 août 2004, elle est révisée et conduit à la création de l’Agence de biomédecine qui a pour mission de veiller au respect des principes réglementaires et éthiques. Pour cela elle se dote d’un conseil d’orientation. Les procédures sont très longues pour pouvoir faire appelle à cette science. La pratique est autorisée seulement si "le couple a donné naissance à un enfant atteint d'une maladie génétique entrainant la mort dès les premières années de la vie et reconnue comme incurable au moment du diagnostic". Si le couple remplit ces conditions, leur dossier sera examiné par le conseil d’orientation. Un consentement écrit leur sera alors demandé de l’Agence de biomédecine car elle seul sera habilitée à autoriser cette pratique. Depuis sa légalisation en 2006, l'Agence de la biomédecine française a reçu 8 demandes. Cette technique a vu naître le premier bébé-médicament plus de 6 ans après en France.
Le premier « bébé médicament » Umut-Talha, est né le 26 janvier 2011 à l'hôpital Antoine Béclère à Clamart, il n'est pas seulement un nourrisson en «très bonne santé», pesant 3,650 kg à la naissance. Il est aussi le premier bébé sectionné parmi plusieurs embryons et implantés dans le ventre de sa mère afin de pouvoir soigner sa sœur ainée atteinte d’une maladie grave. Ce sont les professeurs René Frydman et Arnold Munnich qui ont réalisé cette exploit. Les parents d’Umut-Talha («notre espoir» en turc), ont saisi l’agence de biomédecine afin de pouvoir avoir un bébé médicament comme l’autorise la loi bioéthique en France depuis 2004. Leur deux précédents enfants atteint d’une maladie du sang appelé bêta-thalassémie c’est pourquoi ils ont décidé de concevoir un «bébé médicament». L’enfant issu de cette manipulation embryonnaire naîtra sans la maladie de ses ainés et sera un donneur compatible de sang présent dans le cordon ombilicale avec un des enfants à soigner. Le sang présent dans le cordon ombilicale riche en cellule souche a été prélevé et conservé pour une greffe ultérieure à sa sœur !
Bien que cette avancée scientifique offre un espoir aux familles dont les enfants seraient touchés par ces maladies grave et ayant besoin d’une transfusion de sang du cordon ombilicale ou d’une greffe de moelle osseuse de leur frère, elle n’est quand même pas anodine. Au cours de cette pratique le corps humain est manipulé et utilisé comme un « médicament ». Bien que cette pratique reste très encadrée, elle n’en soulève pas moins de nombreuses questions.